Protéger dans la vie et dans la mort

12.02.2025 Monika Bachmann

La spiritualité va au-delà de la religion. Il s’agit d’une dimension de la vie qui donne de la force et du sens. Dans les soins de longue durée, le «spiritual care» gagne en importance. Une visite de l’établissement médico-social Erlenhaus, dans le canton d’Obwald, nous apprend comment les pratiques spirituelles sont vécues et pourquoi elles confèrent un sentiment de sécurité et bien-être.

Avec un tel nom, Engelberg (la montagne des anges) implique forcément une touche de mysticisme. Les anges et les montagnes sont deux symboles de la spiritualité. Les premiers représentent des éléments religieux, les secondes incarnent la toute-puissance de la nature. À Engelberg, on puise ses forces dans ces sources d’énergie, tant à l’abbaye bénédictine baroque construite au pied du Titlis au 12e siècle que dans l’établissement médico-social Erlenhaus, situé au centre de la commune obwaldienne depuis quarante ans. «La spiritualité occupe une place importante dans notre communauté», déclare Theres Meierhofer, qui dirige l’institution depuis vingt ans. Elle a toujours fait preuve d’ouverture face à la spiritualité, qu’elle définit comme «ce qui nous dépasse». Pour ancrer peu à peu cette dimension de la vie dans l’organisation, la directrice a dû trouver les bons mots. Aujourd’hui, la devise est la suivante: «Protéger dans la vie, protéger dans la mort». À l’EMS Erlenhaus, ce message est interprété comme une sorte de promesse. «Nous offrons aux gens un espace qui leur permette de se confronter aux questions existentielles», explique Theres Meierhofer, indiquant ainsi clairement que la spiritualité va bien au-delà de la religiosité.  

Des thèmes existentiels 

La recherche de sens gagne en importance dans les soins de longue durée. Le spiritual care, pour reprendre le terme consacré, trouve actuellement toute sa place dans de nombreuses institutions. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) reconnaît le bien-être spirituel comme une dimension de la santé au même titre que les aspects physiques, psychiques et sociaux. Par conséquent, elle recommande d’inclure la spiritualité dans les soins et l’accompagnement. En outre, la société suisse Palliative.ch attire l’attention sur ce thème dans une nouvelle brochure (lire l’encadré). «La spiritualité désigne l’attachement de la personne à ce qui l’inspire et lui donne fondement», peut-on lire notamment dans ce document. Il s’agit des convictions, valeurs, expériences et pratiques existentielles. Pascal Mösli, théologien et membre du groupe de travail Spiritual Care de Palliative.ch, a participé à l’élaboration de la brochure. «Le spiritual care a pour but de soutenir les personnes afin qu’elles puissent concevoir elles-mêmes leur vie, y compris en EMS, et accéder à leurs sources d’énergie», explique-t-il.  

Prier ou chanter 

À l’EMS Erlenhaus, qui comprend cinquante lits de soins auxquels s’ajoutent vingt-sept appartements adaptés pour personnes âgées, la spiritualité est vécue de maintes façons. Alors qu’une promenade accompagnée dans la nature environnante améliore le bien-être de certaines personnes, d’autres préfèrent se rendre à la messe catholique tenue deux fois par semaine dans l’institution. Parfois, le fait de chanter ensemble ou de contempler les montagnes déclenche des émotions et des discussions porteuses de sens avec les résidentes et résidents, raconte Theres Meierhofer. La directrice souligne qu’il faut considérer le spiritual care comme une attitude fondamentale qui se reflète dans tous les domaines du quotidien et non comme une offre. C’est pourquoi tous les membres du personnel de l’Erlenhaus sont sensibilisés et suivent des formations continues à ce sujet. «Les questions existentielles ne sont pas réservées à un seul groupe professionnel», indique-t-elle. La prise en compte des besoins spirituels doit faire partie intégrante d’un accompagnement global et non intervenir de manière séparée. La collaboration interprofessionnelle avec des spécialistes de l’accompagnement spirituel joue un rôle essentiel à cet effet. À Engelberg, l’EMS est bien soutenu: «Nous collaborons étroitement avec les responsables religieux des deux confessions et entretenons de bons contacts», se réjouit Theres Meierhofer.  

Le vécu donne des indications 

La brochure de Palliative.ch indique que le spiritual care permet d’accompagner les personnes âgées qui «recherchent le sens de leur existence, des certitudes ou une solution à une situation de crise». Il intervient en tenant compte du vécu et du système de valeurs et de croyances de la personne. À l’Erlenhaus, ce sujet est donc délibérément abordé avec les résidentes et résidents qui viennent d’arriver. «Nous nous renseignons toujours sur leur spiritualité», déclare Theres Meierhofer. Ces discussions permettent d’identifier leurs besoins afin de pouvoir y répondre de manière individuelle et proposer des offres adéquates. Les femmes de foi catholique, majoritaires à Engelberg, apprécient par exemple la prière du rosaire hebdomadaire dans l’espace de silence. Ce lieu a été réaménagé lors de la rénovation complète du bâtiment en 2022. Les résidentes et résidents et leurs proches peuvent y pratiquer des rituels indépendamment de la confession, seuls ou en groupe. On y prie aussi pour les personnes décédées avant qu’elles ne soient inhumées. Il n’est pas rare non plus d’y apercevoir une urne.  

Ancrer le spiritual care de manière systématique 

Pour Pascal Mösli, l’importance croissante du spiritual care est liée à une tendance: «L’approche centrée sur la personne joue un rôle essentiel dans les soins», indique le théologien. Les personnes et leurs préoccupations sont devenues centrales et, partant, leurs besoins spirituels individuels. La nouvelle brochure contient des informations supplémentaires afin que les responsables d’EMS puissent intégrer le spiritual care dans leur institution. Theres Meierhofer en fait partie: «Même si cela fait longtemps que nous tenons compte de cette dimension de la vie à l’Erlenhaus, nous n’avons pas encore de véritable concept», explique-t-elle. Cela va toutefois changer. Avec trois autres institutions, la fondation Erlen prendra part à une étude qui sera dirigée par le groupe de travail Spiritual Care de Palliative.ch, à laquelle participera l’Université de Bâle. Pascal Mösli indique que l’un des objectifs est de réaliser un état des lieux: «Nous souhaitons savoir quelle place occupe la spiritualité dans le domaine des soins palliatifs en Suisse.» L’autre but est d’indiquer comment ancrer cette offre de manière professionnelle dans les organisations. En effet, la culture de l’institution ne peut se développer qu’une fois le spiritual care intégré de manière systématique. 

Une valeur ajoutée pour tout le monde 

Il est d’ores et déjà clair que des informations et des outils de travail spécialisés sont nécessaires. «Des aumônières et aumôniers professionnels devraient impérativement être impliqués dans la collaboration», indique Pascal Mösli. Dans de nombreux cas, la collaboration avec les responsables religieux des paroisses locales s’avère positive, comme le montre l’exemple d’Engelberg. La formation continue du personnel est elle aussi un élément important du spiritual care interprofessionnel. L’expert affirme que ces frais sont compensés par le bénéfice qui en résulte: «Nous avons la conviction que le spiritual care apporte une valeur ajoutée à toutes les parties prenantes.» Il s’agit d’une part des personnes concernées elles-mêmes et, d’autre part, de leurs proches, dont l’implication dans les discussions et les rituels est ainsi soutenue et reconnue. Les membres du personnel en profitent aussi: «Le spiritual care leur confère force et inspiration pour leur travail et les aide à donner un sens à leur activité», déclare Pascal Mösli. Cela fait longtemps que la spiritualité imprègne la culture de l’Erlenhaus. Des personnes de divers horizons et confessions partagent leur quotidien. En ce lieu, on souhaite laisser la vie suivre son cours. Les personnes qui veulent en parler sont accueillies avec bienveillance, tout comme celles qui préfèrent ne pas aborder le sujet. Car le principe fondamental du spiritual care est la liberté de choix.  

 


Promouvoir l’accompagnement spirituel 

Le groupe de travail Spiritual Care de la société suisse Palliative.ch, qui réunit des spécialistes en sciences infirmières, en accompagnement spirituel, en médecine, en psychologie et en travail social, a récemment publié une brochure intitulée Impulse für Spiritual Care in der Langzeitpflege («Impulsions pour le spiritual care dans les soins de longue durée»).  

Ce document souligne l’importance du spiritual care dans les soins et présente les champs d’action dans le domaine des soins de longue durée. Il s’agit notamment de l’organisation active de la dernière phase de vie, de l’accès à des pratiques spirituelles, de la création de réseaux, du soutien aux proches et de l’accompagnement pendant la phase de deuil.  

Dans un autre chapitre, le groupe de travail liste les conditions requises pour intégrer le spiritual care dans le quotidien des institutions. Le passage consacré aux outils méthodologiques recommandés est particulièrement intéressant. Il mentionne par exemple le «kit d’indicateurs», qui soutient la collaboration entre les spécialistes de la santé et les aumônières et aumôniers dans ce domaine en favorisant une compréhension et un langage communs pour l’accompagnement spirituel.  

Pour commander la brochure et obtenir plus d’informations:  
Pascal Mösli contact@pascalmoesli.ch 


 

Photo: Erlenhaus