Pour une transition réussie

«Il faut tout un village pour élever un enfant.» Ce proverbe africain est bien connu et très juste: tout un village est nécessaire non seulement au début de la vie d’un enfant, mais aussi lors de son passage à la vie d’adulte autonome. La question du leaving care, c’est-à-dire le processus de transition entre le placement extrafamilial et la vie autonome, illustre particulièrement bien l’importance d’un réseau de soutien pour réussir le passage à la vie adulte. Dans cet article, nous présentons les contributions du Centre de compétences Leaving Care (CCLC) en la matière, ainsi que ses futurs projets.  

Quel est le lien entre un repas de midi au Palais fédéral avec des parlementaires, une discussion à Lausanne, un congrès pour spécialistes de l’aide aux enfants et aux jeunes dans le canton de Berne et les huit visages qui, sur des affiches placardées dans cinq grandes villes de Suisse alémanique, regardent les passantes et passants et posent une question provocante : «Déplacé?»? Ce qui ressemble à un Tour de Suisse décrit quelques-unes de nos activités récentes et fait référence aux groupes de personnes concernées par notre travail et nos différentes collaborations.

Tout ce que nous avons entrepris et continuons de faire depuis la création du Centre de compétences en 2019 vise à attirer l’attention de la société et des responsables de la politique sociale sur la question du leaving care en Suisse. Nos différentes activités sont interdépendantes, car ce que nous initions et réalisons ici a un impact ailleurs. 

La législation n’est pas (encore) adaptée aux réalités actuelles 

L’égalité des chances et des droits pour les care leavers n’est pas encore réalisée en raison des conditions structurelles auxquelles font face les jeunes lors du passage du placement extrafamilial à la vie adulte. Aucune loi fédérale sur l’aide aux enfants et aux jeunes n’existe et les bases légales cantonales, qui déterminent si et quelles prestations sont possibles au-delà de la majorité varient fortement.

Afin d’apporter de la clarté dans cette diversité de réglementations cantonales, nous avons élaboré une vue d’ensemble dans notre «cartographie des bases juridiques» et établi un profil pour chaque canton. Dans notre récent «outil de référence des bases juridiques», nous donnons un aperçu des dispositions légales aux niveaux fédéral et cantonal ainsi que des recommandations fondées pour des conditions cadres appropriées et d’autres développements. Nous prenons position dans le cadre des consultations relatives aux modifications législatives prévues et partageons notre expertise avec les administrations cantonales pour la planification ou le contrôle de la mise en œuvre de nouvelles lois. Quand la question se pose de savoir comment mettre en pratique ces nouvelles bases légales, nous intervenons également. Dernièrement, nous avons organisé un événement dans le canton de Berne, en collaboration avec SOCIALBERN et l’Office des mineurs du canton de Berne, au cours duquel nous avons abordé les nouvelles applications possibles avec des spécialistes issus des services de placement et d’institutions ainsi que les prestataires de services pour un placement familial (PPP). 

«Nous voulons attirer l’attention de la société et des responsables de la politique sociale sur la question du leaving care en Suisse.»

Les modifications et nouveaux développements au niveau législatif sont des processus de longue haleine et étroitement liés à la politique. Nous nous engageons aussi à ce niveau et gérons désormais le secrétariat de l’intergroupe parlementaire «Care Leaving - anciens enfants placés en institution ou en famille d’accueil». La première réunion de l’intergroupe, avec d’autres personnes intéressées, a eu lieu durant la session d’été au Palais fédéral. À cette occasion, comme à bien d’autres, nous avons collaboré avec l’association Careleaver Schweiz (careleaver.ch). Celle-ci œuvre grandement à la défense des intérêts des care leavers, apportant une expérience et un engagement sans faille. La campagne multimédia «CareLeaverTalk», lancée conjointement en 2021, illustre cette collaboration fructueuse. Les affiches «Déplacé?», qui faisait partie de cette campagne, ont attiré l’attention des médias et rendu ce thème plus visible auprès du public.  

Bien qu’à de nombreux endroits, les conditions sont loin d’être bonnes et que l’accès aux mesures de soutien dépend du lieu de domicile, il existe aujourd’hui différentes offres adaptées aux besoins des care leavers. Certains foyers pour jeunes ont adopté le modèle de la «prise de contact active» de la Fondation zurichoise des institutions pour les enfants et les jeunes (Stiftung Zürcher Kinder- und Jugendheime) et proposent à leurs ancien·nes résident·es un coaching lors de leur passage à la vie adulte. Il existe aussi d’autres formes de soutien direct pour les care leavers, comme les options de retour à court terme ou les ateliers consacrés à des questions administratives pour les ancien·nes résident·es.

Les réseaux de care leavers, présents actuellement dans les régions de Bâle, Zurich, Berne et Suisse centrale, proposent également un soutien, notamment dans le cadre de rencontres, de groupes WhatsApp ou d’offres de pair à pair. Nous encourageons la mise en réseau et la collaboration entre ces personnes et organisations afin qu’elles puissent profiter mutuellement de leurs connaissances et expériences. Notre objectif est de former ensemble un réseau de soutien pour les care leavers lors de leur passage difficile à la vie adulte. Nous y contribuons en mettant à disposition notre cartographie des offres pour les care leavers et en organisant des ateliers de mise en réseau. De plus, nous attirons l’attention sur les bonnes pratiques dans le cadre de contacts personnels, nous mettons en lien les spécialistes et les conseillons au cas par cas.

Pour les spécialistes qui souhaitent aborder ou approfondir le sujet, nous proposons des séminaires et des ateliers adaptés à chaque établissement à des fins de sensibilisation ou de formation continue. Grâce à nos conseils en matière de concepts, nous aidons les organisations à développer des offres adaptées et à les mettre en œuvre avec succès. 

Quelles sont les prochaines étapes? 

Des progrès ont déjà été réalisés, mais il reste encore beaucoup à faire en matière d’égalité des chances et des droits pour les care leavers. Nous voulons conserver notre orientation qui a fait ses preuves en tant que lieu de référence dans le domaine du leaving care en Suisse et ancrer durablement le CCLC. Nous continuerons de partager nos diverses connaissances par le biais de contacts directs, sur notre site internet ou via notre newsletter.

Ces prochaines années, nous mettrons en outre l’accent sur la mise en réseau des infrastructures sociales, nous nous développerons en Suisse romande et au Tessin et nous nous engagerons activement pour améliorer les conditions structurelles.  

Si vous souhaitez faire partie de ce village ou être un maillon de la chaîne, contactez-nous (leaving-care.ch). Formons ensemble une communauté axée sur le long terme, qui aide les jeunes à prendre un bon départ et à passer à la vie adulte. 

Les autrices

Beatrice Knecht Krüger est directrice du Centre de compétences Leaving Care (CCLC); Marie-Thérèse Hofer et Natascha Marty sont collaboratrices spécialisées au CCLC.