Approches accompagnement, assistance et soins

Approches spécifique de la démence

Approche centrée sur la personne selon Tom Kitwood

Introduction

Les origines de l’approche des soins centrés sur la personne – on parle parfois également de l’approche centrée sur la personne – remontent à la théorie et la pratique de la psychothérapie centrée sur le client du psychologue américain Carl Rogers.

Cette approche centrée sur la personne repose sur une attitude de base toujours actuelle : l’objectif est de permettre aux personnes handicapées en tant qu‘être faisant partie de la société d’organiser leur vie de manière autonome tout en tenant compte de leurs droits et devoirs dans la société.

Dans les années 1980, Tom Kitwood et le Bradford Dementia Group en Angleterre ont transformé cette approche en une approche spécifique dédiée à l’assistance des personnes atteintes d’une pathologie démentielle. En se référant à Rogers, ils ont baptisé leur approche « person-centred care » – soins centrés sur la personne.

Pour Kitwood, la pathologie démentielle est plus qu’une déficience neurologique. Il la comprend comme une forme de handicap qui résulte de l’interaction de cinq différentes causes complexes :

  • Évolution de la personnalité
  • Biographie
  • Santé corporelle
  • Déficience neurologique
  • Psychologie sociale

Principes et objectifs

L’approche centrée sur la personne met, selon Welling (Person-zentrierter Ansatz, 2004) la personne, le sujet lui-même, au centre de toutes les considérations. L’objectif primordial est de préserver et favoriser l’individualité des personnes atteintes d’une pathologie démentielle. Le concept sous-jacent de la notion de personne y est défini de manière globale. Outre la cognition, il prend en compte les émotions, les agissements, l’appartenance, les liens à d’autres personnes et l’identité. Les personnes disposant suffisamment de ces quatre états affectifs peuvent se sentir relativement bien malgré une pathologie démentielle.

Au cours de l’évolution du processus démentiel, les personnes atteintes de démence sont de moins en moins en état de conserver leur individualité. Afin que l’individualité ne se dissipe pas au cours de l’évolution de la pathologie démentielle, ces personnes ont besoin d’accompagnants capables et prêts à reconnaître leur individualité. L’individualité comprend, entre autres, les quatre états affectifs suivants :

  1. Le sentiment d’avoir une valeur
  2. Le sentiment de faire quelque chose, de pouvoir induire quelque chose
  3. Le sentiment d’avoir des contacts avec d’autres personnes, d’appartenir à une communauté
  4. Le sentiment de sécurité, de confiance originelle et d’espoir

Kitwood a mis le maintien de l’individualité et le bien-être au même rang. Il a souligné le fait que l’individualité et le bien-être ne se limitent pas à la capacité de penser et sont influencés notamment par la conception des relations. Dans le cadre du Dementia Care Mapping (DCM), une méthode d’observation permettant de déterminer le bien-être individuel relatif à l’aide de critères spécifiques, la notion devient plus précise et plus claire par son opérationnalisation.

Besoins fondamentaux et interactions positives

Tom Kitwood (Demenz, 2004) part du principe que les besoins des personnes atteintes d’une pathologie démentielle ne diffèrent pas essentiellement de ceux d’une personne sans démence. Une différence significative est toutefois le fait que les personnes atteintes de démence ne peuvent pas exprimer leurs besoins aussi directement. Les besoins primordiaux sont souvent cachés derrière des « comportements problématiques ».

Kitwood (Demenz, 2004, p. 121 sqq.) a identifié cinq besoins fondamentaux interconnectés constituant ensemble le besoin primordial d’acceptation généreuse, inconditionnelle, disposée au pardon – d’amour.

Les besoins fondamentaux sont :

  • Réconfort
  • Attachement primaire
  • Intégration
  • Occupation
  • Identité

Interactions positives

Tom Kitwood (Demenz, 2016, p. 133 sqq.) décrit 12 formes d’interaction positive. Il les désigne comme provisoires, car elles sont susceptibles de changer. Ces interactions forment aussi la base de la méthode d’observation Dementia Care Mapping (DCM).

Modèle de soins psycho-biographiques selon Erwin Böhm

Introduction

Le modèle de soins psychobiographiques a été développé par le professeur Erwin Böhm. En 1985, son premier livre « Krankenpflege – Brücke in den Alltag » a été publié (épuisé). Son livre le plus connu « Verwirrt nicht die Verwirrten » ait paru pour la première fois en 1988.

En 2001, on a fondé le « Europäische Netzwerk für Psychobiographische Pflegeforschung nach Prof. Böhm » (ENPP) en coopération avec le docteur Marc Avarello.

En coopération avec des spécialistes suisses, autrichiens, allemands et luxembourgeois, l’ENPP se consacre au transfert didactique, à la pratique et au développement scientifique continu de la théorie de soins psychobiographiques d’après Böhm.

Principes et objectifs

Le modèle de soins psychobiographiques s’oriente sur les ressources émotionnelles, instinctives des personnes atteintes de démence plutôt qu’à leurs déficits mentaux.

Le principe de base est de prendre la biographie thymo-psychique comme point de départ des problèmes actuels (thymopsyché = partie émotionnelle de l’âme, voir aussi le travail psychobiographique). Dans ce modèle, la maladie est plutôt considérée comme problème psychique issu de la biographie de l’individu. Böhm s’oppose ainsi au point de vue primairement somatique d’où proviennent, d’après son avis, les termes usuels tels que « Morbus Alzheimer » ou « démence sénile » que l’on colle comme étiquette à ces personnes. Böhm met l’accent sur les soins ciblant la santé plutôt que sur les soins ciblant la pathologie.

Compréhension grâce à la connaissance de la biographie
Böhm parle aussi du principe de normalité. Cela signifie qu’une personne développe sa propre forme de vie, individuellement, qui donnera naissance à l’image qu’elle se fera d’un comportement et d’agissements « normaux ». Lorsque l’on est atteint d’une pathologie démentielle, on recourt à ses normes et à ses manières d’agir d’autrefois.

Le retour vers la thymopsyché est, selon Böhm, dû à une déficience cérébrale ou à un déclencheur défini (p. ex. un deuil, l’entrée dans un établissement spécialisé, etc.). Dans ce cas-là, la personne doit être assistée par des soins psychobiographiques. Il faut veiller à prévenir le repli sur soi, à adoucir les symptômes de la pathologie et à améliorer sa qualité de vie. La compréhension envers les modèles comportementaux doit être stimulée par la connaissance de la biographie de l’individu.

Travail psychobiographique

Le modèle des soins psychobiographiques vise à réanimer l’âme de l’individu. Le comportement problématique doit être déterminé et compris depuis la biographie thymopsychique. Sur ce point, la théorie de Böhm est congruente avec de nombreuses approches relatives au travail réalisé sur les souvenirs et avec l’impératif de faire la connaissance de l’individu concerné pour savoir interagir avec lui de manière adéquate.

Un élément essentiel de la théorie des soins psychobiographiques est la connaissance des facteurs ayant influé largement sur un individu pendant sa vie. Cette empreinte se compose d’éléments différents : l’air du temps, les souvenirs, le langage, la perspective de vie, le principe de normalité respectif (profession, couche sociale, domicile), les stratégies de « Coping » de la personne (par quelles qualités/mesures l’individu compense-t-il certaines expériences ?), etc.

Avec la vieillesse apparaissent les choses « vraies » cachées derrière certains comportements. Le matériel thymopsychique provient de la mémoire à long terme et se compose de l’histoire de la vie de l’individu et de situations de folklore (savoir du peuple, phénomènes dans l’air du temps). La biographie historique et personnelle doit être mise en relation avec la recherche historique générale pour pouvoir comprendre le comportement ou lesdites stratégies de « Coping » de l’individu.

Les sept niveaux d’accomplissement

Erwin Böhm répartit le vécu des personnes atteintes de démence en sept niveaux et les confronte aux stades de la Global Deterioration Scale (GDS). La GDS est une échelle à l’aide de laquelle le degré de la maladie est déterminé. Sur chacun de ces échelons, on peut nouer un lien émotionnel avec la personne (comme dans la Validation de Feil) grâce à certains moyens bien déterminés.

 

Programme sur la démence basé sur Montessori d’après Cameron J. Camp

Sommaire - Programme sur la démence basé sur Montessori

Cette approche est basée sur la pédagogie Montessori développée à partir de 1907 par Maria Montessori. Elle vise à instruire l’enseignant, par l’observation de l’enfant, à utiliser des techniques didactiques appropriées pour promouvoir le processus d’apprentissage de manière optimale. L’idée fondamentale de la pédagogie Montessori « Aide-moi à le faire moi-même ! » est également le fil conducteur pour Cameron Camp. Le neuropsychologue a développé cette approche dans les années 1990.

Chaque personne atteinte d’une pathologie démentielle est observée attentivement afin d’identifier ses compétences cognitives, sensorielles, motrices et sociales. Ainsi développe-t-on des « activités » individuelles qui correspondent aux capacités actuellement disponibles et apportent du plaisir.

L’approche de Camp s’avère particulièrement effective en cas de troubles comportementaux et de comportements incompréhensibles de la part de personnes atteintes de démence. Son approche pousse à chercher, « comme un détective », les causes du comportement posant des problèmes. Une chose très précieuse pour comprendre ses motivations est la biographie d’une personne.

Pour les assistants, quatre étapes sont essentielles :

  1. Par une observation intensive et le recueil d’informations (biographie), on aborde la question : qui est cette personne ?
  2. Les capacités subsistantes sont répertoriées et utilisées.
  3. De l’analyse exacte de la situation respective où survient le trouble comportemental, sont formulées des hypothèses relatives au « comportement problématique ».
  4. Ensuite, on cherche un chemin alternatif prometteur pour résoudre une « situation problématique ».

En Suisse, notamment en Romandie, la méthode Montessori d’après Camp est de plus en plus utilisée aussi pour des personnes âgées avec déficiences cognitives dans des maisons de retraite et les établissements de soins, p. ex. Alters- und Pflegeheim Les Grèves du Lac in Gletterens FR.

Modèle de soins et d’assistance maïeutique d’après Cora van der Kooij

Sommaire - Modèle de soins et d’assistance maïeutique

Le modèle des soins maïeutiques a été développé par Cora van der Kooij dans les années 1990 aux Pays-Bas afin d’assister les personnes atteintes d’une pathologie démentielle. Sous « maïeutique » on entend, en général, les efforts réalisés pour aider une personne à prendre conscience de quelque chose, en lui posant les questions appropriées lui permettant de trouver les bonnes réponses par elle-même.

Van der Kooij (Pflege und Betreuungsmodell 2017) définit la maïeutique comme « art de donner la vie pour le soignant doué ». Le terme « maïeutique » et l’adjectif dérivé (soulageant et libérant) proviennent de la méthode employée par Socrate. Van der Kooij y considère notamment le monde affectif des soignants individuels et de la personne prise en charge ainsi que la réaction respective à des situations particulières du côté du personnel. Ainsi cette procédure s’intègre dans le groupe des modèles d’assistance et de soins et qui donnent la priorité à la relation interpersonnelle.

Pour l’organisation et la tenue d’évènements relatifs au modèle de soins et d’assistance maïeutique, il existe un service en Suisse : Schweiz (Akademie für Mäeutik Schweiz).

Thérapie d’autogestion (SET) d’après Barbara Romero

Sommaire - Thérapie d’autogestion (SET)

La thérapie d’autogestion (en allemand Selbsterhaltungstherapie, SET), qui a été développée par Barbara Romero, met au centre de l’accompagnement, l’adaptation de l’environnement social et matériel aux besoins des personnes atteintes d’une pathologie démentielle, et l’utilisation optimale de leurs ressources.

Ce faisant, Romero vise la stabilisation de l’estime de soi. Le moi personnel, soit l’image internalisée qu’une personne a d’elle-même, doit être préservé autant que possible. Comme cela, le concept SET entend rétablir l’équilibre émotionnel et réduire les réactions dépressives.

D’importants éléments sont, à ce sujet, l’adaptation de la communication, de l’organisation de la vie quotidienne et des occupations, ainsi que le travail sur les souvenirs. Les occupations, expériences et activités quotidiennes ne doivent entraîner ni le surmenage ni le désœuvrement des personnes concernées, l’objectif étant la participation optimale à la vie quotidienne. L’occupation avec les souvenirs personnellement significatifs et toujours présents, est d’une importance particulière.

La thérapie d’autogestion (SET) est fondée sur la psychologie et largement reconnue parmi les spécialistes. Les résultats des études sur l’utilisation de la SET dans la réhabilitation indiquent un effet positif sur le bien-être des personnes atteintes de démence et leurs proches parents. La SET peut servir de base pour des concepts d’accompagnement et d’assistance, au quotidien, de personnes atteintes de démence, ainsi que pour des programmes d’intervention.

Eléments-clé de la thérapie d’autogestion

  • Développement d’activités et d’expériences appropriées (avec le soutien de l’environnement)
  • Communication valorisante et caractère confirmatif (adaptation de l’environnement)
  • Adaptation de l’environnement matériel
  • Aide psychothérapeutique, groupes d’entraide (en cas de besoin)

Littérature complémentaire
Institut SET

Concept DEMIAN

Sommaire - Concept DEMIAN

Le concept DEMIAN – abréviation de DEmenzkranke Menschen in Individuell bedeutsamen AlltagssituationeN – met, dans la planification des soins et de l’assistance, l’accent sur les personnes atteintes de démence ainsi que sur leurs besoins, désirs et préférences.

Il convient ici de percevoir l’individualité de la personne pour assurer une attitude bienveillante et cibler les soins et l’assistance. Des informations sur la biographie, les expériences et les valeurs de la personne concernée jouent un rôle essentiel pour permettre la prise en charge sur la base de contextes à importance émotionnelle et pour favoriser ainsi l’individualité de manière ciblée.
L’objectif du concept DEMIAN est de s’emparer des capacités (orientation sur les ressources) qui jusqu’ici ont été moins ou aucunement altérées par la démence. Pour ce faire, on trie et catégorise l’ensemble des informations collectées à l’aide d’un schéma d’analyse.

Pour l’intégration ciblée des situations individuelles dans les soins et l’assistance, il faut tout d’abord une observation différenciée des individus. Il est en outre nécessaire que les soignants et assistants entrent dans un échange avec la personne atteinte de démence. Il est ainsi possible de rassembler des informations sur ce qui fait plaisir à la personne accompagnée, ce qui l’intéresse ou ce qui lui permet de se relaxer.

Le concept de soins DEMIAN a été développé sous l’égide de Prof. Dr. Andreas Kruse à l’Institut de gérontologie de l’Université Heidelberg.

DEMIAN-Forschungsprojekt

Biographie: Travail sur la mémoire

Les biographies sont des constructions subjectives et ont donc leur propre perception. Les biographies n’ont pas seulement des dimensions cognitives mais ont aussi toujours des dimensions émotionnelles et corporelles. Nous percevons les impressions et les expériences vécues liées à notre existence « avec tous nos sens ». Les impulsions transmises par le corps et les systèmes sensoriels peuvent être utilisées de manière ciblée pour évoquer des souvenirs. Cela vaut notamment pour les personnes avec un handicap mental tout comme pour les personnes atteintes d’une pathologie démentielle. Le travail biographique est souvent lié à un contact intense avec les proches parents. Cela particulièrement lorsque les personnes atteintes d’une pathologie démentielle ne sont plus elles-mêmes capables de s’exprimer verbalement et de parler de leur vie d’avant, de leurs préférences et de leurs appréhensions, de l’organisation de leur quotidien et de leurs intérêts.

Le vécu et le comportement observables d’une personne résultent de la somme des évènements passés vécus et ne doivent pas être considérés de manière isolée ou réduite aux références actuelles. De l’histoire de la vie d’une personne naissent des capacités et des singularités, dont la considération rendra possible un accompagnement orienté sur les besoins.

Résultats de la recherche

Charlotte Berendonk expose dans sa thèse (cf. Berendonk, 2015) l’état actuel et empirique de la recherche sur le travail biographique avec des personnes atteintes de démence.

En somme, on peut constater que les connaissances sur la bibliographie n’interviennent que rarement dans les situations concrètes de soins et d’assistance, ce qui entre autres est dû à des conditions-cadres définies (par ex. le temps dont on dispose).

Charlotte Berendonk examine en outre les conceptions et les expériences du personnel travaillant dans les établissements de soins.

Les résultats montrent deux types de concept différents qui sont suivis par les soignants.

a) Des soignants qui souhaiteraient connaître les aspects subjectivement importants d’une biographie pour permettre aux personnes atteintes de démence de vivre des situations émotionnellement importantes,

b) Des soignants qui cherchent les « données vraies » sur la biographie d’une personne atteinte de démence et considèrent donc les proches parents comme d’importants fournisseurs d’informations. Ici, le savoir biographique n’entre que rarement de manière ciblée dans les mesures.

Travail biographique - personnes avec un handicap mental

Chez les personnes avec un handicap mental également, le thème de la bibliographie gagne de plus en plus d’importance. De plus en plus d’institutions établissent un « livre de vie » conjointement avec les personnes atteintes d’une déficience mentale. Outre la saisie des préférences et aversions, les coordonnées des amis et proches parents, on aborde des thèmes tels que la gestion des maladies, des douleurs, l’assistance médicale en fin de vie et la mort. La Haute école intercantonale de pédagogie curative de Zurich a adapté les directives / den Leitfaden et un livre de vie à remplir / ein Lebensbuch, depuis la version allemande de « Lebenshilfe / Aide à la vie », à la situation en Suisse.

Chez les personnes avec handicap mental et une pathologie démentielle, ce n’est parfois que partiellement possible. Il est donc important de pouvoir compter, lors de la saisie des données et évènements de vie, sur l’assistance des proches parents ou amis et connaissances. On ne doit toutefois pas oublier que les évènements bibliographiques, les influences subies et les besoins des tiers sont perçus et appréciés différemment par la personne accompagnée que par le personnel.

De plus, il est important de mettre l’accent sur les informations significatives relatives à l’accompagnement, l’assistance et les soins, car elles pourraient avoir un effet probablement positif sur la qualité de vie.

Christian Lindmeier (2013) démontre que les souvenirs sont également sauvegardés dans le corps et peuvent être évoqués et récupérés par les systèmes sensoriels au moyen de sensations, de sons et de senteurs. Cette expérience commune laisse peut-être deviner des préférences et antipathies et ainsi détecter des éléments et des explications liés à l’état actuel ou comportement actuel.

Biographie et démence

Le passé et l’histoire de vie qui y est liée sont d’une grande importance pour les personnes atteintes d’une pathologie démentielle. Au cours de l’évolution de la maladie, ils ont de plus en plus de mal à s’orienter dans la situation actuelle. Ils savent de moins en moins interpréter et comprendre les choses et cherchent probablement un appui dans leurs propres souvenirs.

Les souvenirs de la mémoire à long terme sont des ressources précieuses et contiennent souvent d’importantes expériences entre la dixième et la trentième année de vie, une période déterminante pour la formation de l’identité :

  • De nombreux aspects biographiques ne sont pas seulement stockés dans la mémoire explicite mais aussi dans la mémoire implicite. Cela constitue une base de la perception de soi qui demeure longtemps intacte malgré les déficiences cognitives. Outre cette expression corporelle de soi et la possibilité d’entrer en contact via le corps, les personnes atteintes de démence ont d’autres ressources pouvant rester disponibles jusqu’aux derniers stades de la maladie : l’expérience des émotions pouvant être exprimées par les mimiques, les gestes et la posture.
  • Jusqu’aux derniers stades de l’évolution de leur maladie, les personnes atteintes de démence attribuent une grande importance personnelle à des thèmes, objets ou situations. Il peut s’agir de thèmes d’une grande importance biographique. En outre, les personnes atteintes de démence développent aussi de nouveaux intérêts, de nouvelles préférences, etc.
  • Une autre ressource illustrant l’aspect social du soi est la création de nouveaux liens émotionnels avec des personnes entrant pour la première fois dans leur environnement, telles que les soignants ou d’autres personnes atteintes de démence.

Entretien de la mémoire / réminiscence

Dans le travail avec des personnes atteintes d’une pathologie démentielle, une importance particulière revient, dans le cadre du travail biographique, à l’approche de l’entretien de la mémoire / des réminiscences et à l'approche sensobiographique.

Selon Bartholomeyczik, S. et autres (cf. Bartholomeyczik, S. et al, 2006), la réminiscence des évènements biographiques et des relations passées renforce l’identité et le sentiment d’appartenance sociale. Au cours d’une pathologie démentielle, le milieu social est de plus en plus tenu de créer des situations permettant et favorisant les souvenirs agréables. Les personnes atteintes de démence ont besoin de ces « aides de mémoire » pour conserver l’image qu’elles ont d’elles-mêmes et éprouver attachement et appartenance. Pour organiser une assistance et un accompagnement individuels, la connaissance de la situation de vie individuelle et du passé d’une personne atteinte d’une pathologie démentielle est une importante base.

 

Approche de la biographie sensorielle

La biographie sensorielle s’occupe de la collecte et de la prise en compte ciblée de l’histoire somatique sensorielle de la personne concernée ; elle peut être intégrée de manière ciblée, dans le cadre des soins à stimulation basale, entre autres, dans les soins du corps ou l’assistance relative aux habitudes (se déplacer, manger et boire). La biographie sensorielle s’avère appropriée pour les personnes avec une déficience cognitive et une pathologie démentielle. Elle permet l’accès aux habitudes sensorielles de l’individu, habitudes qui se sont formées au cours de sa vie passée. Elles sont souvent liées à des actions ritualisées familières, évoquent des souvenirs (positifs), créent de la confiance et confirment constamment le sentiment de sécurité par rapport à ce qui est nouveau. Ces habitudes façonnent notre mémoire corporelle spécifique. Cette mémoire corporelle restant intacte même en cas de démence sévère, l’approche basée sur la biographie sensorielle permet un accès particulier à l’espace de vie des personnes atteintes d’une pathologie démentielle.

Afin de collecter les informations sensobiographiques, les questions suivantes sont utiles:

L’ouïe

  • Quels sons la personne atteinte de démence aime-t-elle (p. ex. carillons, boîtes à musique) ?
  • Pour quelles voix/tonalités montre-t-elle des réactions bienveillantes ou bien hostiles ?
  • Quels bruits lui font-ils peur ?

La vue

  • Qu’est-ce que la personne atteinte de démence aime voir ?
  • Aime-t-elle regarder par la fenêtre ?
  • Quels sont les couleurs ou les motifs qui lui plaisent ?

Le toucher

  • Qu’aime-t-elle prendre en main ? Est-ce qu’il s’agit d’objets, de certains vêtements ?
  • Préfère-t-elle des matériaux souples, froids ou chauds ?
  • Aime-t-elle prendre du bois, de la terre, une pierre, certains souvenirs ou d’autres choses en main ?

Le goût

  • Quels goûts la personne atteinte de démence apprécie-t-elle ?
  • Certaines recettes ?
  • Aime-t-elle le sucré, le salé ou plutôt l’acidité ?

L’odorat

  • Qu’est-ce que la personne atteinte de démence aime sentir, en matière de produits de soins (crèmes ou savons), de repas, d’odeurs dans la nature, d’arômes de fête (p. ex. Noël), de parfums, etc.?

Questionnaires biographiques

Les questionnaires complémentaires dans le domaine de l’accompagnement, de l’assistance et des soins diffèrent beaucoup entre eux. Ils ont souvent une forme standardisée et s’orientent plutôt vers un CV sous forme de tableau. D’autres posent de plus des questions relatives aux activités habituelles de la vie quotidienne. Ce sont souvent des questions avec une sélection de réponses à cocher.

Approches / modèles sociopédagogiques

Empowerment

Le terme « empowerment » est souvent défini comme autonomisation, responsabilisation individuelle, autodétermination, autoreprésentation. L’empowerment a une haute importance dans l’agogique des personnes handicapées. On retrouve ainsi le principe de l’empowerment dans de nombreux concepts d’accompagnement et d’assistance dans les institutions. L’empowerment poursuit une perspective de points forts en opposition diamétrale à l’habitude de regarder et de traiter les personnes handicapées à la lumière des déficits, des faiblesses ou des incapacités. Cette perspective des points forts conduit à des idées de base suivantes :

  • Abandon de l’angle d’approche fondé sur les déficits
  • Acceptation inconditionnelle de l’autre et de sa forme d’existence
  • Faire confiance aux ressources individuelles et sociales, les identifier et les favoriser
  • Respect devant le point de vue de l’autre et devant ses décisions
  • Acceptation de concepts de vie peu conventionnels
  • Renonciation aux jugements d’experts axés sur la classification, la déresponsabilisation et la dénonciation
  • Orientation fondamentale sur la perspective des droits, des besoins et intérêts actuels ainsi que l’avenir des personnes marginalisées

Orientation vers l’espace social

Son point de départ central et le centre d’attention de l’approche orientée vers l’espace social se situent dans le domaine de l’aide aux enfants et aux adolescents. Contrairement à l’orientation vers l’espace de vie, cette approche ne s’oriente pas vers l’individu mais vers le milieu territorial et infrastructurel. Dans ce contexte, on observe également la manière dont l’individu s’approprie un espace de vie, lui donne une importance personnelle subjective, l’aménage et l’utilise.

L’orientation vers l’espace social signifie :

Orientation vers le besoin (au lieu d’une orientation vers l’offre) : l’orientation conséquente des prestations selon le besoin individuel. L’assistance s’adapte aux personnes et ce ne sont pas les personnes, qui s’adaptent à l’offre de prise en charge existante. La qualité de vie se trouve par conséquent également au centre des préoccupations. Afin de pouvoir constater le besoin, la participation de la personne concernée est indispensable.

Une orientation conséquente vers les ressources individuelles requiert autonomie et efficacité personnelle. Concernant l’intégration des ressources déjà disponibles dans l’environnement de la personne à assister, l’espace social dans sa forme spatiale (quartier) et personnelle (famille proche, nonprofessionnels) se voit attribuer une énorme importance.

L’ouverture des établissements est essentielle pour la participation de la personne assistée à la vie sociale et fait progresser l’aspect de la normalisation.

Diverses connaissances spécialisées sont intégrées, c’est-à-dire que les offres ne doivent pas uniquement être délimitées les unes par rapport aux autres. Autour des situations individuelles, les travaux professionnel et non professionnel doivent être coordonnés, afin de rendre possible une assistance et un accompagnement sur mesure.

Ces aspects sont naturellement interdépendants : si un établissement s’oriente vers le besoin individuel, on en arrive automatiquement à des formes mixtes de prises en charge ambulatoires et stationnaires, ainsi qu’à des offres diversifiées pour des besoins particuliers.

Les personnes doivent être en mesure d’utiliser les ressources également en dehors des établissements : l’assistance s’orientera de plus en plus vers une vie « normale ». Cela signifie une participation active à la réflexion, de la part de l’environnement social et de l’entourage, dans lesquels les personnes concernées mènent leur vie.

Ce faisant, le concept s’avoisine au travail axé sur le milieu de vie (des handicapés) et met concrètement l’accent sur l’environnement résidentiel, le quartier, le logement ou sur de petites collectivités bien structurées.

Travail axé sur le milieu de vie des handicapés

Cette approche doit assurer le maximum de qualité de vie pour les personnes avec difficultés d’apprentissage, handicap cognitif ou complexe. Le point de départ du travail axé sur le milieu de vie remonte aux années 1980, où l’on a annoncé (avant tout) aux États-Unis, la désinstitutionalisation dans le travail social, un tournant dans la vie quotidienne.  

Theunissen associe avec « l’orientation vers le milieu de vie » les principes directeurs suivants :

  • Intégralité (prendre au sérieux l’individu dans son unicité)
  • Autodétermination (autonomie)
  • Respect
  • Confiance
  • Focalisation sur le sujet
  • Participation
  • Ingérence politique
  • Prévention
  • Orientation vers les ressources et activation de ces ressources
  • Régionalisation et décentralisation
  • Mise en réseau

Principe de normalisation

Le principe de normalisation a été introduit par Nirje et Bank-Mikkelsen en Scandinavie, et grâce à Wolf Wolfensberger aux États-Unis il est devenu largement utilisé. En Allemagne, Walter Thimm s’est engagé en faveur de la généralisation du principe de normalisation.

Les efforts de normalisation se sont manifestés sous forme d’un mouvement en faveur des droits civiques, comme réaction aux grandes institutions où l’on isolait depuis le 19ème siècle les personnes avec handicap mental et déficiences psychiques et les faisait vivre dans des conditions souvent abominables, loin de la société. Les conditions de vie de ces résidents n’étaient pas seulement inhumaines mais aussi loin d’être « normales » par rapport à la vie au dehors de ces établissements. Nirje a mis en relief l’importance de permettre aux personnes avec handicap mental un rythme de vie normal et d’organiser des aspects importants tels que le domicile, les loisirs et le travail comme des domaines séparés. Il a formulé le droit de la personne avec un handicap mental de bénéficier d’un rythme journalier, hebdomadaire et annuel normal, d’expériences de développement normales au cours de sa vie, de respect face à ses choix, désirs et besoins, d’un milieu de vie hétérosexuel, d’une vie avec des standards économiques normaux, d’un logement normal et d’un voisinage normal.

Ces exigences ont fait naître, dans de nombreux pays européens et d’Amérique du Nord, une politique progressive de déshospitalisation et de désinstitutionalisation.

En Suisse, la déshospitalisation des personnes avec un handicap cognitif et un comportement problématique a eu lieu à peu près entre la fin des années 80 et la fin des années 90 du siècle dernier.

Alternative Éden

Le médecin et gériatre new-yorkais le docteur William Thomas a décrit en 1992 la solitude, l’incapacité et l’ennui comme les trois « tourments » des personnes très âgées. Comme contre-mesure, il a formulé dix principes directeurs fondamentaux pour une prise en charge digne dans les milieux ambulatoires et stationnaires.

En Suisse, quelques établissements travaillent aussi actuellement selon l’Alternative Éden. Le nom se rapporte volontairement au jardin d’Éden. Chérir et soigner comme on le ferait pour un jardin, c’est ainsi que l’assistance, l’accompagnement et les soins doivent être organisés. L’Alternative Éden ne formule pas de directives d’action spécifiques pour l’accompagnement des personnes atteintes de démence, mais peut être transposable.

Website Eden-Alternative

Orthophonie

L’orthophonie est très largement répandue dans le domaine des enfants et des adolescents comme dans celui des personnes handicapées. De nombreuses personnes avec un handicap mental font usage de l’orthophonie depuis leur enfance. L’orthophonie est également appliquée en cas de maladies et pour les personnes avec des déficiences physiques ou sensorielles. L'orthophonie est utilisée pour aider la communication, le langage, l'élocution, la parole, la fluidité, la production vocale, la lecture et l'écriture.

Chez les personnes atteintes d’une pathologie démentielle et en gériatrie en général, l’orthophonie est utilisée dans le contexte des troubles du langage, de l’élocution, de la voix et de la déglutition.

Les orthophonistes qualifié(e)s assistent les collaborateurs et collaboratrices dans la détermination et le développement de mesures appropriées pour favoriser la communication ou la compréhension et la déglutition. Comme moyens d’aide dans le domaine de la communication, cf. la « Box démence » spécifique « Communication et approche relationnelle ».

Pour les dysphagies classiques (troubles de la déglutition), on dispose d’une multitude d’exercices spécifiques visant à améliorer les fonctions en question. Pour les personnes atteintes d’une pathologie démentielle et les personnes avec un handicap mental et une pathologie démentielle, ils ne sont toutefois pas utilisables. Au premier plan se trouvent ici des adaptations telles que : formes d’alimentation diététiques, stimulation basale via le système olfactif pour stimuler la salivation et conditions environnementales lors de l’apport alimentaire.

Contacts utiles

Coordonnées des associations professionnelles cantonales :

www.logopaedie.ch

Fachstelle für Dysphagie